Extraits de biographies familiales


"La vie n’est pas un long fleuve tranquille… Dès l’âge le plus tendre, elle réserve des surprises, créé, tisse, défait, déchire des liens au sein d’une même famille, elle forge les esprits. Le temps passant, l’on se sent plus aguerri face aux événements, mais la vie est si imprévisible : il faut savoir savourer les beaux instants, préserver l’harmonie, chasser les soucis, protéger les siens, pardonner, ignorer les offenses et braver les événements avec courage. Que serait la vie sans l’amour que l’on porte aux siens ? (...)
"La déclaration de la guerre nous a été annoncée en plein battage le vendredi 1er septembre 1939 par le bedeau qui était chargé de sonner le tocsin puis d’aller annoncer la funeste nouvelle à ceux qui étaient le plus éloignés du bourg. Je m’en souviens comme si c’était hier. Tout a été interrompu et figé dans l’instant : batteries, hommes et bêtes. Dès le dimanche matin, certains ont pris le chemin de la guerre au petit jour. En juin 1940, ce fut l’invasion : les Allemands ont pris position partout dans nos campagnes et se sont installés. Un matin, alors que j’allais à l’école, je me souviens des Allemands et des Italiens qui avaient envahi le bourg. Ils étaient partout. On percevait les événements tels qu’ils arrivaient, sans être prévenus de quoi que ce soit. On n’était au courant absolument de rien, nous ne recevions pas de nouvelles, ni de journaux, nous n’avions pas la radio, nous ne l’avons eu qu’en 1955, date à laquelle nous avons eu l’électricité. " JEANINE


"Je me souviens de mon jeune temps dès l’âge de sept ans, je me suis souvent dit, au cours de ma vie qui ressemble à un vrai roman, que si j’avais eu à certains moments un cahier couché là devant mes yeux, j’aurais pu y écrire toute mon histoire, sans que ma mémoire ne me fasse défaut à quelque moment que ce soit… Mes souvenirs sont étrangement nets et précis depuis l’enfance. Rien ne m’a échappé… C’est incroyable à mon âge de se souvenir de tout cela avec autant de précision, jusqu’au temps qu’il faisait à telle ou telle date… C’est une sorte de don que de me rappeler de tout cela, je ne me l’explique pas, jamais je n’ai décidé d’entretenir tel ou tel souvenir. Ils me reviennent en mémoire sans que je ne contrôle quoi que ce soit, je me souviens des noms, des visages, des gestes généreux de certains que je n’oublierai jamais, tout cela est gravé dans ma mémoire si profondément. Il y a beaucoup de choses que je n’ai pas dites à mes enfants et mes petits-enfants, je n’ai pas eu le temps ou l’occasion de tout leur raconter ! J’ai coutume de leur dire que j’ai eu une vie si remplie - de bonnes et de mauvaises choses ! - qu’il faudrait en faire un livre ! C’est ce que j’ai décidé de faire aujourd’hui à mon grand âge ! Pour vous dire, je me souviens qu’en 1928, le blé germait ! (...)
Je dédis ce livre à mes enfants qui sont restés tout au long de ma vie tumultueuse et laborieuse mon équilibre et ma raison de vivre. J’ai eu beaucoup de chance avec eux, ils ne m’ont apporté que bonheurs et satisfaction, ce n’est pas le cas dans toutes les familles ! Ils sont tous d’une gentillesse avec moi ! Je pense qu’ils sont peut-être reconnaissants de ce que j’ai pu vivre pour eux dans ma jeunesse, car j’ai toujours privilégié leur bien-être, leur équilibre et leur santé avant toute chose. J’ai connu de rudes épreuves, perdu deux enfants en bas âge – et c’est là ce qu’une mère peut connaître de plus terrible au long de sa vie, on ne s’en remet jamais vraiment. J’ai perdu Eugène tragiquement au bout de trois ans de vie commune, trois ans de bonheur. Sans mes enfants, j’aurais quitté ce monde depuis bien longtemps. Ils ont été ma joie et ma soif de vivre. Je n’ai jamais compté mes heures de travail, il filait devant moi et ce, tout au long de ma vie. J’ai su apprécier les bonheurs que la vie a pu m’apporter " LEONIE


"Mon premier souvenir remonte très loin dans ma mémoire… Mes parents, mon frère et moi étions allés voir un oncle du côté maternel qui avait contracté la tuberculose par un de ses frères qui revenait de la guerre et qui avait été envoyé en Afrique. Il était revenu du front, tuberculeux. Il avait ainsi contaminé son frère Francis, né en 1902, le dernier des frères de ma mère (qui avait cinq frères et deux sœurs). Toute petite que j’étais, on m’avait certainement mise en garde : « Il ne faudra surtout pas t’approcher de lui car il est malade ». Je m’en souviens comme si c’était hier, mon oncle était installé dans le coin de la cheminée. Il tendait les bras vers moi en souriant et voulait m’embrasser, moi je n’osais pas approcher. Je suis née en juillet 1932, j’avais trois ou quatre ans… Cette image m’a marquée à vie…" MARIE


"Ma mère était une femme extraordinaire. Elle ne parlait pas un mot de français, elle ne voulait pas utiliser nos voitures, elle se déplaçait en bus, en métro et ne chômait jamais. Son moteur essentiel, son but dans la vie était la charité, elle ne pensait jamais à elle-même, elle ne songeait qu’à aider les autres. A l’époque où le Vietnam était coupé en deux du nord au sud, elle avait de la famille dans le nord et dans le sud. Dans le sud, il y avait du trafic de marchandises grâce aux avions et aux bateaux, on pouvait avoir à peu près toutes les denrées nécessaires. Dans le nord en revanche, la situation était beaucoup plus difficile, c’était très dur et ce sont les gens du nord du pays qui avaient besoin d’aide, beaucoup plus que les gens du sud. Ma mère passait son temps à acheter des denrées, à troquer, collecter des objets d’occasion, des vêtements, des bicyclettes, etc. pour les envoyer au nord du Vietnam. Elle était très charitable, elle contribua à fonder des pagodes. Elle était extraordinaire. C’est grâce à ma mère probablement que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui et que ma vie a été telle qu’elle fut. Elle m’a transmis des valeurs essentielles : s’oublier soi-même pour mieux penser aux autres. Travailler, avoir bon cœur, être bon avec autrui, tolérant. Elle était très brave, c’était une campagnarde." PAUL


"Je suis né le 3 Août 1928 à Téhéran, dans une famille pratiquante, respectée, et bien connue, établie dans la ville plus de quatre siècles. Ma famille a joué un rôle spirituel et politique dans l'histoire du pays" M. A.


"Au sein de cette promotion 1946, nous étions 9 garçons. J’avais 14 ans et j’allais découvrir absolument tout de mon futur métier. Je ne savais qu’une seule chose, c’est que nous allions travailler le fer (je ne connaissais même pas l’acier !) J’y allais, sans aucun état d’âme, je ne me posais pas beaucoup de questions, ma voie était ainsi tracée. On nous appelait les « bleus » (ou "la bleusaille") : c’était à nous d’effectuer les petites corvées telles que balayage, nettoyage des machines et des établis. En première année, nous apprenions à manier les outils : limes, burins, scies, grattoirs… Chacun disposait d’une place à l’établi devant un étau. C’était un travail rébarbatif et lancinant : nous avions par exemple un fer en U serré dans un étau que nous devions limer jusqu’à ce qu’il s’use, et ce, pendant des semaines entières ! Ensuite nous devions buriner ou « bedaner » (avec un bédane) la pièce afin d’acquérir le coup de main parfait et accéder à la planéité absolue. Notre outil était la lime : quand on ne savait pas limer correctement, on disait de nous que nous limions « en bateau » (...)
"En hiver, les baraques où nous avions nos cours étaient chauffées au poêle à bois. Nous étions à tour de rôle de « corvée » pour alimenter et mettre en route le poêle : cependant, il y avait des petits malins qui, en douce, bourraient les tuyaux de poêle avec des chiffons sachant pertinemment que notre prof de dessin, était non seulement âgé mais frileux. Quand le responsable du poêle essayait de faire le feu, cela fumait et l’on était obligé d’ouvrir en grand les fenêtres pour aérer, alors immanquablement, notre vieux prof disait : « Bon, les enfants, il n’y aura pas cours aujourd’hui… » Ce qui était bien évidemment le but recherché !" JULES


«Nous ne portions pas d’uniformes, chaque fille avait deux ou trois blouses confectionnées soit par une couturière, soit par une voisine, soit par les mamans quand celles-ci étaient suffisamment disponibles pour le faire. Nos blouses étaient sobres et pratiques, mais pas vraiment raffinées, le dimanche nous portions des vêtements plus jolis. A l’époque, il était courant de se faire friser les cheveux pour Pâques chez le coiffeur : comme il fallait que l’Indéfrisable dure toute l’année, le coiffeur la faisait très serrée afin qu’elle tienne le plus longtemps possible. Les Pâques suivantes approchant, nos cheveux se défrisaient et se relâchaient de plus en plus. Dans l’année, nos mères nous faisaient des anglaises, c’était la mode. Certaines avaient recours à des fers à friser, mais pour ma part, comme mon père était électricien, ma mère me tortillait les cheveux et les enroulait le soir à l’aide de fils électriques souples et les déroulait le matin. Le système fonctionnait plutôt bien ! J’obtenais ainsi de magnifiques anglaises qui tenaient toute la journée ! Nous passions enfant chez le photographe et prenions la pose avec nos plus beaux atours et un ou deux accessoires. Ma sœur qui était une très jolie jeune fille a eu le droit à la photo de ses vingt ans » ANNIE


« Chaque matin, nous commencions par la lecture d’une maxime écrite sous la date du jour. C’était la petite leçon de morale quotidienne. On la recopiait sur notre cahier avant de commencer la dictée ou la grammaire… Nous avions peu de livres : je me souviens d’un livre d’histoire et géographie, un livre de sciences naturelles où l’on pouvait par exemple trouver la recette du pot au feu, nous n’avions pas de livre de mathématiques, pas de livres de français. Tout devait être su par cœur et le contrôle se faisait in situ : prêtes à noter la réponse sur nos ardoises, on nous posait la question, on montrait la réponse immédiatement, si c’était correct, c’était parfait, dans le cas contraire, c’était un coup de baguette ! On faisait beaucoup de dictées, on apprenait les leçons de grammaire, les tables multiplications sur le bout des doigts. Dans les petites classes, notre assiduité et bon travail étaient récompensés par des bons points sous forme d’images » SIMONE


"La Fête Dieu était très attendue par tous, petits et grands ! Les enfants de la paroisse étaient chargés de collecter les fleurs pour la décoration des rues. Nous allions les chercher dans les jardins du bourg mais aussi dans les fermes à la campagne ; j’y allais à bicyclette. En plus des fleurs, nous demandions dans les fermes des œufs destinés aux séminaristes. Les fleurs collectées étaient utilisées pour être effeuillées et utilisées pour créer des motifs sur le parcours de la procession, ou piquées dans les draps tendus le long du chemin. Le parcours était aussi décoré à partir de motifs créés avec de la sciure teintée répandue sur le sol : le résultat était superbe. Le parcours était jalonné de reposoirs, eux aussi décorés. C’était des constructions en bois temporaires avec marches et podiums qui permettaient à la procession de se réunir, prier et faire des haltes auprès des croix et calvaires. En cheminant, on priait et chantait ; La fête Dieu, très populaire, était un des nombreux événements qui créaient un lien social essentiel au sein de la paroisse. Les jours de la fête Dieu, la paroisse entière se transformait en une véritable ruche dès le lever du jour pour préparer la procession". GABRIELLE


"Tous les vendredis, papa allait à la ville et nous rapportait… des prunes séchées ou une friandise en forme de petit cheval en sucre rouge ! Dans le hameau voisin, il y avait une toute petite boutique qui faisait épicerie-buvette et dépôt de pain. On allait avec la brouette chercher des pains de 6 livres. On y achetait aussi notre café au poids. La télévision est arrivée dans nos campagnes à la fin des années 60. Les enfants allaient voir chez les voisins « Bonne Nuit les Petits », « Thierry la Fronde »… Je me souviens qu’un jour, lors d’une sortie scolaire à la mer avec les bonnes sœurs, quelques filles avaient osé retirer leurs bas ! Ce fut un scandale ! C’était inconcevable à l’époque !" LOUISE


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biographe, écrivain public, Nantes


 
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